Biographie

Issue des arts visuels et de la musique, Virginie Beauregard D. lance, dès 2010, le recueil Les heures se trompent de but (l’Écrou). Cinq ans plus tard, son second recueil D’une main sauvage (l’Écrou) est finaliste au prix Émile-Nelligan. Par la suite, la lauréate du prix Jean-Lafrenière–Zénob 2016 publie Les derniers coureurs (l’Écrou), en lice au Prix des Libraires 2019. La même année, elle propose le recueil jeunesse Perruche (La courte échelle), finaliste au prix Alvine-Belisle 2020 puis Il faut partir, Casimir (La courte échelle). Ses poèmes sont diffusés dans des ouvrages collectifs et des revues, dans le cadre d’expositions et au théâtre. L’autrice participe à nombre d’événements littéraires off ou notoires tant au Québec qu’à l’international. Son écriture passe sans gêne du concret au symbolique pour plonger au cœur des émotions humaines. Ses poèmes, parfois drôles parfois tragiques, nous parlent de la nature, de l’amour et des petits et grands gestes qui font que nous nous sentons vivants. Elle est aussi détentrice d'un brevet d'enseignement.

Entrevue

Lisiez-vous de la poésie quand vous étiez à l'école ? Y a-t-il un poème en particulier dont vous vous souvenez ?

Quand j’étais à l’école primaire, j’écoutais les chansons que mes parents écoutaient. J’essayais de comprendre les textes. Je lisais surtout des bandes dessinées, à cette époque-là. C’est plus au secondaire que j’ai commencé à lire les poètes maudits et des romans aussi. Je me rappelle toutefois avoir appris par cœur La chanson des escargots qui vont à l’enterrement de Jacques Prévert au primaire. J’ai été passionnée par ce texte. Je ne savais pas tout à fait pourquoi. Maintenant, je comprends que ce poème contenait bien des contrastes qui participent à l’existence comme la mort et la vie, la joie et la peine.

À l’enterrement d’une feuille morte

Deux escargots s’en vont

Ils ont la coquille noire

Du crêpe autour des cornes

Ils s’en vont dans le noir

Un très beau soir d’automne

Hélas quand ils arrivent

C’est déjà le printemps

Les feuilles qui étaient mortes

Sont toutes ressuscitées

Et les deux escargots

Sont très désappointés

Mais voilà le soleil

Le soleil qui leur dit

Prenez prenez la peine

La peine de vous asseoir

Prenez un verre de bière

Si le cœur vous en dit

Prenez si ça vous plaît

L’autocar pour Paris

Il partira ce soir

Vous verrez du pays

Mais ne prenez pas le deuil

C’est moi qui vous le dis

Ça noircit le blanc de l’œil

Et puis ça enlaidit

Les histoires de cercueils

C’est triste et pas joli

Reprenez vos couleurs

Les couleurs de la vie

Alors toutes les bêtes

Les arbres et les plantes

Se mettent à chanter

À chanter à tue-tête

La vraie chanson vivante

La chanson de l’été

Et tout le monde de boire

Tout le monde de trinquer

C’est un très joli soir

Un joli soir d’été

Et les deux escargots

S’en retournent chez eux

Ils s’en vont très émus

Ils s’en vont très heureux

Comme ils ont beaucoup bu

Ils titubent un petit peu

Mais là-haut dans le ciel

La lune veille sur eux.

 

Quand avez-vous commencé à écrire de la poésie ? Et quand avez-vous commencé à vous considérer poète ?

Ahah ! J’ai commencé à écrire de la poésie enfant puis un peu plus vieille. C’était une activité naturelle pour moi, une façon de digérer le monde et les événements que je vivais. Mais c’est devenu une obsession à l’âge de dix-neuf ans, quand je suis allé à ma première vraie soirée de poésie, dans une salle semi-légale à Montréal. Je me suis tout de suite enlignée pour écrire dans le but de lire mes textes au micro le mois suivant, et ainsi de suite. Je me rappelle encore le sentiment de faire un saut dans le vide quand j’arrivais devant le micro, mes mains tremblaient tellement que je ne voyais plus les mots écrits sur mes feuilles.

Je n’ai jamais ressenti le besoin de me considérer ou non poète. Le mot vient des autres, la majorité du temps. Mais je n’ai pas de problème à l’assumer bien que je ne souhaite pas me sentir limitée par l’étiquette Poète (qui peut renfermer toutes sortes de préjugés…). Mon but est d’accomplir des projets qui me fascinent plutôt que de me déclarer poète ou même artiste. Je pense maintenant que quelqu’un qui écrit de la poésie est condamné à être poète, tout simplement. Mais il n’y a pas de quoi s’en faire avec ça.

 

 

Comment voyez-vous le « travail » des poètes ?

Le travail des poètes permet de prendre du recul face au monde. Multiplier les interprétations des événements que nous vivons est pour moi un gage d’une société en santé. Je me méfie quand tout le monde pense pareil. La poésie fait planer en même temps qu’elle lance des pistes de réflexion. Le travail du poète est, évidemment, ambigu. Il permet d’assumer le doute par lequel on peut passer pour se comprendre et apprécier l'existence et les choses qui nous entoure. Je crois que l'on a le droit de reconfigurer le monde autant que l'on veut. Je pense que la poésie est essentielle aux humains. 

Si vous avez un poème dans notre anthologie, qu’est-ce qui vous a inspiré lors de son écriture ?

Dans ce poème, j’ai été inspirée par la capacité des humains à s’imaginer être ailleurs ou même être autre chose. Je pense que l’imagination dont sont dotés les humains est un outil important qui peut les aider à traverser des situations difficiles. Ce poème est tiré du livre Perruche (La courte échelle) qui raconte l’histoire d’un garçon qui apaise sa douleur d’avoir perdu sa perruche grâce à son imagination. Parfois, c’est comme si nous devions faire de grands détours pour trouver un sens aux événements de la vie. Ces voyages, permis par l’imagination, peuvent être vraiment très agréables et salutaires. En fait, l’imagination nous permet de prendre possession du monde, qui que nous soyons, et ce, sans entrer en guerre avec qui que ce soit.

Si vous deviez choisir un poème à mémoriser dans notre anthologie, lequel serait-ce ?

J’ai bien réfléchi à cette question et je n’arrive pas à faire mon choix. Un peu comme on choisit d’écouter une chanson ou une autre au fil de nos humeurs, je crois que tous ces poèmes peuvent être Le meilleur poème du monde à un moment ou à un autre pour quelqu’un. Ça dépend. À chaque heure, son poème. À chaque personne, son poème. La seule chose que je puisse conseiller, c’est d’aller vers ces magnifiques œuvres qui s’offrent à nous, tout simplement. Cela dit, plusieurs d’entre elles me touchent profondément.

Publications

Titre
Il faut partir, Casimir
Maison d'édition
La courte échelle
Date
2022
Type de publication
Recueil
Titre
Perruche
Maison d'édition
La courte échelle
Date
2019
Type de publication
Recueil
Titre
Les derniers coureurs
Maison d'édition
l'Écrou
Date
2018
Type de publication
Recueil
Start here: