Mention de source
crédit photo : Mimi Lebuffe

Biographie

Maude Pilon manœuvre dans divers contextes artistiques, littéraires, collaboratifs, performatifs et en résidence. Son travail prend la forme de livres, d’objets imprimés, d’enregistrements et de lectures arrangées. Son écriture se situe à la rencontre de la poésie, de la prose et de l’essai. En s’attachant tout particulièrement aux enjeux formels, elle investit l’écart entre le langage parlé et écrit, observe plus particulièrement les mécanismes de la conversation, du témoignage et de la pensée à l’intérieur de nos (dés)organisations sociales. Ses textes sont publiés en revues (Estuaire, Watts, Tripwire, Mœbius, Le Sabord, Pøst-) et chez des éditeurs (Les Herbes rouges, Squint, Le lézard amoureux, Dare-Dare, Verticale) au Québec, en France et aux États-Unis. On peut découvrir son travail sur son site : maudepilon.com. 

 

Entrevue

Lisiez-vous de la poésie quand vous étiez à l'école ? Y a-t-il un poème en particulier dont vous vous souvenez ?

J’ai commencé à lire la poésie parce qu’on m’en faisait la lecture. Mon père prenait tellement de plaisir à interpréter pour moi des poèmes exploréens de Claude Gauvreau dès mon jeune âge. De Gauvreau, je suis passée à Denis Vanier : toujours dans la bibliothèque de mon père! À l’école, j’ai eu une enseignante infidèle aux périodes de pastorale obligées qui prenaient du temps sur ses cours de français ; la première fois, elle m’apporta Un ange cornu avec des ailes de tôle de Tremblay. Dans un coin, derrière la salle, elle m’a offert, plusieurs fois ce temps pour lire et j’étais reconnaissante de sa complicité. Je raconte encore l’histoire de cette Julie qui encourageait la lecture et se rendait disponible aux sensibilités de ses élèves.

Quand avez-vous commencé à écrire de la poésie ? Et quand avez-vous commencé à vous considérer poète ?

À huit ans, mes premiers recueils ont été des objets collaboratifs, écrits et dessinés avec une amie. Nous façonnions des livres incluant des dessins d'animaux et de plantes inventés que nous accompagnions de poèmes délirants. Le livre d'artiste est d'ailleurs, encore à ce jour, une pratique importante dans mon travail : écrire un livre est, pour moi, à la fois penser à sa forme, à son contenu et son contexte de création et de réception.

Comment voyez-vous le « travail » des poètes ?

Les poètes sont des travailleurs du désordre; ils sont comme tout le monde, ils travailllent à tisser des liens à l'intérieur de la "forêt de signes" qui nous environne. Le désordre est une dimension positive de l’être humain, selon moi. Ce sont ses folies, ses sensibilités multiples, ses contradictions, ses obsessions, ses incompréhensions, ses désordres donc, qui lui permettent d’inventer des mondes possibles en parallèle de celui que la société propose. Le travail sensible des poètes en est un de l'attention. Il engendre la réflexion en montrant la valeur des choses, en initialisant des sentiments et en rendant subversive les notions de temps et d’histoire. Par le langage, les poètes déracinent ce qui est mort comme la syntaxe afin de proposer des utopies, des nouveaux usages du monde. Le travail des poètes est de rassembler le monde des mots et des choses, de nous lier entre nous.

Si vous deviez choisir un poème à mémoriser dans notre anthologie, lequel serait-ce ?

Je choisis le poème « Sur les traces de Marianne Godbout, cordonnière et savetière » de France Daigle. Dans les deux dernières lignes, « comme si les vieux livres n’existaient que pour / qu’on les fasse craquer », et dans tout le travail de la poète acadienne, se trouve une proposition à nous revendiquer d’un droit de s’approprier la langue pour mieux s’indéfinir comme sujet. Par le langage du quotidien, France Daigle reprend le monde en main comme elle le peut, car ce dernier fuit. Elle révèle les contours instables de la culture. L’aspect séquentiel de ce poème nous propose un temps impossible dans lequel, justement, il faut nous repenser, nous mettre en action, continuer le travail qui est principalement celui de parler. Je voudrais mémoriser ce poème parce qu’il demande à ne pas être mémorisé ! Il faudrait le mémoriser seulement avec l’intention de le refaire, de le redire autrement, de se l’approprier dans sa propre langue. 

Publications

Titre
L'air proche
Maison d'édition
Les Herbes rouges
Date
2019
Type de publication
Recueil
Titre
Quelque chose continue d'être planté là
Maison d'édition
Le Lézard amoureux
Date
2017
Type de publication
Recueil
Titre
L'effort de la figure
Maison d'édition
Estuaire no 173
Date
2018
Type de publication
Périodique/revue
Start here: