Mention de source
Jean-Pierre Mercier

Biographie

Originaire de Buenos Aires, Argentine, Flavia Garcia enseigne, écrit, traduit et chante au Québec, son pays d'adoption, où elle réside depuis plus de trois décennies. Détentrice d'un diplôme de maîtrise en didactique du français langue seconde de l'Université McGill, elle a fait également des études en langue allemande et en littérature québécoise. Elle collabore régulièrement avec les revues Exit et Estuaire, où elle publie des poèmes en traduction ou de son cru. Ainsi, elle a traduit plus de 30 poètes vers le français ou l'espagnol, dont Luise Dupré, Denise Desautels, Laure Morali, Martine Audet, Violaine Forêt, José Acquelin et Sylvain Campeau. En tant qu'autrice, elle a fait paraitre deux recueils: Partir et mourir un peu plus loin (Mémoire d'encrier, 2016) et Fouiller les décombres (Mémoire d'encrier, 2021). Elle est également la traductrice de l'Anthologie de poésie argentine contemporaine (Triptyque, 2017). Elle anime les soirées de poésie en trois langues Lapalabrava depuis 14 ans et s'implique au sein de l'organisme La poésie partout. Elle s'intéresse aux questions identitaires, au voyage intérieur, aux rêves, au multilinguisme, au multiculturalisme, à la poésie pour enfants.

Entrevue

Lisiez-vous de la poésie quand vous étiez à l'école ? Y a-t-il un poème en particulier dont vous vous souvenez ?

Quand j'étais petite, ma mère me lisait de la poésie. Des moments privilégiés, de pur bonheur, de pur enchantement. La magie des mots opérait. J'écoutais aussi les chansons de Maria Elena Walsh, un must de la chanson pour enfants en Argentine dans les années 60 et 70. Puis à l'école secondaire, on a étudié tous les classiques en langue espagnole et, très rapidement, je suis tombée amoureuse de la poésie. Calderón de la Barca, Sor Juana Inés de la Cruz, Federico García Lorca, Francisco Luis Bernardez, Mario Benedetti, Pablo Neruda, Oliverio Girondo, Alejandra Pizarnik et bien sûr, notre Borges national, ils ont tous marqué mon imaginaire. J'ai commencé à apprendre le français à l'âge de 12 et vers 16 ans, je pouvais déjà lire des livres dans cette langue. Le premier poète que j'ai lu en français, ce fut Rimbaud: le poème « Le dormeur du val ». Que c'est triste! Puis Beaudelaire et ses fleurs du mal chargées de spleen. 

Je me souviens tout particulièrement du poème de la poète mexicaine Sor Juana Inés de la Cruz, « Primero sueño », une perle de la littérature espagnole de la période baroque. Et de ses sonnets, où elle aborde la délicate question de l'amour. Sor Juana a le don de parler de l'amour d'après une perpective très féministe pour l'époque, avec une grande lucidité. Je la lis toujours. Puis dans La vida es sueño, de Calderón, le monologue de Ségismond, enfermé dans sa tour dès la naissance par son père, une ode à la liberté. Et « La casada infiel » de Lorca, que je connais par coeur... en espagnol, bien entendu!

Quand avez-vous commencé à écrire de la poésie ? Et quand avez-vous commencé à vous considérer poète ?

Pas pendant ma jeunesse. J'écrivais certes, par-ci par-là, mais rien qui aurait pu être publié vraiment. Aussi loin que je me souvienne, la poésie m'a toujours accompagnée, d'une façon ou d'une autre. Quand j'ai quité mon pays pour venir m'établir au Québec, mon père m'a fait cadeau d'un livre: l'oeuvre poétique complète de Borges. Impossible d'oublier ce moment. Mais c'est vers l'âge de 35 ans que j'ai redécouvert sérieusement la poésie, à un moment critique de ma vie. La poésie m'a aidée à me reconnecter avec les choses qui importent vraiment. À cette époque, les poèmes étaient comme des pilules d'antidépresseurs qui agissaient sur mon système, me soulageaient. J'ai découvert la richesse de la poésie québécoise: Paul Chamberland, Denise Desautels, Louise Dupré, Marie Uguay, Anne Hébert. Que de réconfort ai-je trouvé dans leurs mots! J'ai commencé alors à fréquenter les soirées de poésie, pour écouter, d'abord. Je laissais les mots résonner à l'intérieur de moi. Tout simplement. Puis j'ai osé. Les mots se mettaient ensemble, les poèmes s'écrivaient tout seuls. C'était libérateur. Même si j'avoue que certains poèmes étaient assez maladroits. C'était comme quand on ouvre un robinet qui a été fermé pendant longtemps: l'eau, plutôt sale, gicle d'abord par jets inégaux, mais peu à peu, à mesure qu'elle coule, le débit se stabilise et elle devient plus claire. J'ai mis du temps à trouver ma voix. Ça s'est fait sur un certain nombre d'années. La première fois que quelqu'un s'est adressé à moi en tant que poète ce fut lors d'une soirée de poésie et micro ouvert au Festival Voix d'Amérique. Quand ce fut mon tour, D. Kimm m'a tendu le micro en disant: la poète Flavia Garcia. Je n'y croyais pas. Mais bon, j'ai lu mon poème, je l'ai fait. Un poème en français qui parlait de la mer et des coquillages.

Comment voyez-vous le « travail » des poètes ?

Je ne sais pas si on peut parler uniquement de "travail" du poète. Je crois qu'on peut parler aussi de jeu, de plaisir, de liberté, toutes des notions qui ne sont pas associées, d'emblée, à un travail, mais qui, dans mon esprit, sont étroitement associées à l'écriture de poésie. Le poète observe le monde qui l'entoure avec des lunettes grossissantes, là où personne ne voit rien, lui, voit quelque chose. C'est un ratisseur d'émotions, un râcleur de lieux communs, un débusqueur d'associations entres des choses, des idées, des pensées qui, en principe, ne sont pas apparentées. Tout à coup la lumière jaillit, de nulle part, l'image qui surprend, qui émeut, qui vibre. Ou, pour l'exprimer autrement, "le poème est une terre qu'il faut remuer avec délicatesse. Le travail du poète consiste à retrouver ce qu'il a enterré" (Michel Pleau, dans Regards sur le poème). Mais bien sûr, il y a le travail sur la langue également, la langue qui parfois refuse de nous livrer ses secrets, la langue parfois capricieuse, parfois docile. C'est alors que le travail commence.

Si vous deviez choisir un poème à mémoriser dans notre anthologie, lequel serait-ce ?

« Dieu tout au bout » de Jean Désy

Les poèmes

Publications

Titre
Fouiller les décombres
Maison d'édition
Mémoire d'encrier
Date
2021
Type de publication
Recueil
Titre
Partir ou mourir un peu plus loin
Maison d'édition
Mémoire d'encrier
Date
2016
Type de publication
Recueil
Titre(s) du ou des poème(s)
Le train de mon quartier
Titre
Montréal, j'ai quelque chose à te dire
Maison d'édition
Isatis
Sous la direction de
Lucile de Pesloüan
Date
2018
Type de publication
Anthologie
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